L’histoire a été racontée maintes fois : Mozart, ce phénomène incomparable de la nature incarné dans un enfant espiègle qui produisit des chefs-d’œuvre avant l’âge de 10 ans mais qui a été un incompris perpétuel et qui fut reconduit, par négligence, à une sépulture de pauvre.
Il s’agit de l’une des plus tragiques et des plus poignantes histoires que l’on puisse retrouver dans le domaine de la musique...
Mais une bonne partie de cette histoire est fausse !
Une histoire écrite par les Romantiques: De façon certaine, Mozart a été un prodige qui n’a pas eu d’égal, écrivant ses premières symphonies à l’âge de 8 ans et son premier opéra à l’âge de 12 ans. Schubert et Mendelssohn ont produit des œuvres plus originales et plus importantes dans leur adolescence.
En contraste avec Schubert, la maturité a été plus lente à survenir chez Mozart et celui-ci a dû travailler avec grands soins ; la plupart de ses grandes œuvres ont été produites durant les dix dernières années de sa vie. Durant cette décennie, il fut respecté comme tout autre compositeur et rémunéré en conséquence, obtenant plus que Haydn ne reçut durant la plus grande partie de sa carrière. Souvent, il obtint le double des cachets normalement versés pour écrire un opéra. Il manqua quelquefois d’argent, comme il arrive à toute personne ayant atteint une certaine notoriété, suite à une combinaison de mauvaise gestion et de malchance, mais, au moment de sa mort, il avait presque remboursé toutes ses dettes, et était, à la mi-trentaine, en voie de devenir réellement prospère.
Wolfgang Amadeus Mozart est né, dans la ville médiévale de Salzbourg, en Autriche, le 27 janvier 1756. Ses parents étaient Leopold et Maria Anna.
Leopold était un compositeur mineur attaché à la cour locale, et l’auteur d’un important ouvrage sur l’enseignement du violon. Dès que Leopold réalisa l’ampleur des talents de Wolfgang, son premier souci devint la carrière de son fils. Le miracle débuta lorsque Wolfgang, âgé de trois ans, réagit aux leçons de musique de sa sœur, Nannerl, en répétant les airs sur le clavecin. Leopold commença à donner quelques leçons au bambin.
Nous ne pouvons imaginer sa joie et son émerveillement à ce qui survint : l'enfant semblait saisir tout ce qu’on lui montrait, comme s’il le savait déjà. Un jour, il prit un violon et commença à en jouer.
À l’âge de cinq ans, il commença à composer de petits morceaux.
Les débuts publics de Wolfgang en compagnie de Nannerl, une prodige comparable au clavecin eurent lieu à la cour de Munich en janvier 1762 alors qu’il n’était âgé que de six ans. Ensuite à Vienne, il joua pour l’impératrice Marie Thérèse après quoi, assis sur les genoux de l’impératrice, il fut présenté à la jeune Marie Antoinette.
La nouvelle de ses performances traversa l’Europe; il était vu comme un phénomène scientifique, comme un singe savant.
Leopold a rapidement compris le potentiel de faire fortune tant pour son fils que pour lui-même.
Ainsi débutait l’étrange et merveilleuse enfance de Wolfgang. À l’été de 1763, Leopold et ses enfants partirent en tournée qui allait durer trois ans et qui les mena dans toutes les cours et les salles de concert à travers l’Europe.
À partir de ce moment et jusqu’à l’âge de quinze ans, Wolfgang passa la moitié de son temps en tournée. Il a été calculé qu’à la fin de sa vie, il aurait passé 35000 heures, l’équivalent de quatre de ses trente-cinq ans, en voiture !
Il était un enfant-spectacle et sa vie familiale celle d’un cirque ambulant. La publicité que faisait Leopold à propos de ces représentations n’était pas toujours très subtile même s'il n’exagérait pas : « Il jouera un concerto pour violon, accompagnera des symphonies au clavecin dont le clavier sera recouvert d’un drap… il identifiera instantanément toutes les notes jouées à distance… terminera en improvisant aussi longtemps que désiré, et ce, dans n’importe quelle clé ».
En de telles circonstances, Wolfgang grandit comme tout enfant du cirque de toutes les époques, avec une compréhension peu solide du sens pratique. Rendue à l’âge adulte, sa soeur Nannerl devint aussi pédante et hypocrite que son père.
À partir de 1769, Leopold emmena Wolfgang en Italie à trois reprises. Au cours de ces visites, l’adolescent s’imprégna du style italien, étudia le contrepoint, et fit main basse sur plusieurs "honneurs" tels l’ordre papal de l’éperon d’or. Ce dernier résultait de l’un de ses légendaires trucs : écrire, de mémoire, après deux auditions, la partition du célèbre Miserere d’Allegri, une composition dont le Vatican n’avait jamais autorisée l'exécution hors de ses murs. Au lieu de réprimander Wolfgang, le pape le fit chevalier. Après quoi, il arrivait à Wolfgang de signer: «Chevalier Mozart ».
Sa mémoire phénoménale démontrée lors de cet exploit allait devenir son plus puissant outil. Il était capable, dans son esprit, de composer entièrement une œuvre - souvent durant un voyage ou en jouant au billard - et de se souvenir de chaque détail.
Durant un séjour à Londres, il fréquenta Johann Christian Bach, le fils de Johann Sebastian, dont la musique galante et "italianniste" incarnait le début du style classique. La musique de Johann Christian influença Mozart comme tant d'autres, jusqu’à ce qu’un modèle plus important arrive, Haydn.
En 1777, Wolfgang se cherchait un emploi n'importe où pourvu qu’il puisse quitter Salzbourg, remplissant des postes mineurs, il écrivait surtout de la musique religieuse, ce qui ne l’intéressait pas vraiment. Cette année-là, il partit en voyage dans le but de se trouver un autre emploi. Il quitta Salzbourg avec sa mère malade et aboutit à Paris. Wolfgang devait faire face au premier défi majeur de sa vie : la croissance. C’est une chose que d’avoirdix ans et de jouer et de composer brillamment mais c'en est une autre à dix-huit ans.
À Paris, Wolfgang devint, pour la première fois, un pigiste professionnel en compétition avec d'autres musiciens afin d’obtenir les quelques engagements disponibles. Il fit le tour des salons et obtint quelques commissions.
Sa mère mourut en juillet 1778, et tôt en 1779, déprimé et abattu, il retourna à la maison.
Toutefois, sur le chemin du retour, il s'arrêta à Mannheim où quelque chose d’important allait se produire ...
À Mannheim, il résida chez la famille Weber qu'il avait rencontré lors de son voyage vers Paris. Les Weber avaient quatre filles dont deux d’entre elles étaient d’excellentes chanteuses. L’inévitable survint : Wolfgang courtisa Aloysia , la plus belle et la plus talentueuse des quatre. Il écrivit quelques uns de ses plus beaux airs de concert pour elle et pour sa sœur Josefa. Malgré la passion de Wolfgang pour Aloysia, une grande déception l'attendait; elle était intéressée par sa musique et non par son amour.
Pendant ce temps, Leopold, apprenant les intentions de son fils, le rappela à la maison. Mozart père considérait que les Weber leur étaient inférieurs; de plus, il ne voulait pas que son fils se choisisse seul une femme.
En 1780, l’électeur de Munich, où Mozart avait obtenu d’importants succès, le rappela pour écrire un opéra. Le résultat fut Idomeneo, sa première œuvre mature de scène.
Après ce triomphe il alla vivre à Vienne, chez les Weber qui avaient déménagé de Mannheim. Maintenant que Aloysia l’avait rejeté, la mère, devenue veuve, présenta Constanze à Wolfgang.
Elle était sa plus jeune fille, moins talentueuse quoiqu’elle chanta bien. Il se laissa persuader et écrivit à son père pour obtenir son assentiment à cette union. Wolfgang et Constanze se marièrent en août 1782 avant que la permission de Leopold ne fut reçue.
À cause ce mariage impulsif, les relations entre le père et le fils se refroidirent et demeurèrent ainsi.
Constanze, alors âgée de vingt ans, n’était pas la partenaire intellectuelle ni l’âme sœur, mais il semble que Mozart voulait une compagne de jeu enthousiaste et
c’était ce que la pétillante et coquette Constanze semblait être. Quant au mari, il
était un homme-enfant qui pouvait tantôt improviser sublimement dans un salon
et tantôt enjamber les meubles en miaulant comme un chat.
Qu’il soit en public ou en privé, il ne pouvait tenir en place, tambourinant ses
doigts partout, bougeant nerveusement même lorsqu’il se lavait les mains.
Contanze prit sur elle de lui couper sa viande de peur qu’il ne se blesse.
Il adorait la musique et tout ce qui l’entourait; d’autre part, il aimait la danse, le billard, la nourriture, le vin, les réceptions, et le plaisir en général, le tout avec une jouissance animale insatiable.
Mozart était, pour un temps, la vedette de Vienne.
Lui et Constanze aménagèrent dans un appartement luxueux et richement meublé, incluant une magnifique table de billard. Il donna libre cours à ses goûts pour les vêtements de fantaisie et effectuait une visite journalière à son coiffeur.
Évidemment, ils n’étaient pas réellement riches même si Wolfgang obtenait les meilleurs cachets alors payés aux artistes. Pour une soirée de concert il pouvait toucher l’équivalent d'une année de solde d'un officier de la cour.
À Vienne, Mozart n'a pas que des amis: Le succès de sa comédie L'enlèvement au Sérail fut obtenu malgré les machinations menées par Antonio Salieri, chef de l’Opéra de Vienne et compositeur favori de l’empereur Joseph II. Salieri avait payé des agitateurs pour venir perturber la représentation. Il entrera dans l’histoire en temps que premier rival de Mozart.
Pour le reste de sa vie à Vienne, Mozart travaillera "à toute vapeur" alors en possession de sa pleine maturité. Ses créations s’échelonneront sereinement malgré tous les désordres de sa vie, les périodes de prospérité et de vaches maigres ainsi que les aléas de sa santé.
Au début de 1786, commencera la collaboration entre Mozart et le poète, librettiste et aventurier Lorenzo Da Ponte. Ce duo donnera trois opéras immortels. Peut-être le plus parfaitement réalisé de tous, Figaro fut écrit en six semaines.
Inévitablement, le triomphe sera temporaire...
Parmi les récompenses des années passées à Vienne, il y a l’amitié que Mozart a développée avec Haydn. La réputation mondiale du vieux maître le dispensait d’avoir à rivaliser avec quiconque; il était généreux par nature. Malgré tous ses jugements sévères envers ses contemporains, Mozart reconnaissait sa dette envers Haydn.
Les problèmes d’argent poursuivaient Mozart comme des démons. Quand il empochait une bonne commission, elle semblait s’évaporer aussitôt. En 1789, il fut présenté, à Berlin, au roi William II de Prusse qui le paya généreusement pour une série d’œuvres mais il revint à Vienne sans argent ni explication.
Constanze était toujours enceinte (seuls deux de leurs six enfants survivront).
Pour rendre les choses encore plus difficiles, Leopold meurt en mai 1787 laissant les relations père-fils non résolues et beaucoup de non-dits.
Vers la fin des années 1780, Mozart commence, de façon sporadique, à être sérieusement malade.
Peut-être une maladie des reins commence-t-elle à le tuer ? Sa santé physique ainsi que celle de Constanze décline répandant le désespoir dans toutes les facettes de sa vie. Malgré tout, son esprit d’enfant n’a jamais été freiné ni sa source intarissable d’inspiration.
En l’espace de six semaines , alors que tout allait mal, il écrit ses trois dernières symphonies, n° 39, 40 et 41. Dans ces œuvres, il pousse la forme symphonique classique au paroxysme de la perfection, montrant la voie vers un rayonnement et une intensité que Beethoven utilisera après lui.
À la mi-1791, Mozart ressent qu’il va mourir. Ceci n’a aucun effet sur son travail et sur ses voyages.
L’horreur finale arrive à sa porte en juillet 1791 en la personne d’un étranger vêtu de gris qui refuse de s’identifier mais qui lui commande l'écriture d'un Requiem, une messe pour les morts.
Acceptant la commande et se mettant au travail, il commence à imaginer que cet étranger c'est la mort elle-même et que le Requiem sera le sien. Dans une lettre il confit : « Je ne peux pas effacer de mes yeux l’image de cet étranger. Je le vois continuellement. Il me supplie, m’exhorte de continuer mon travail… Je suis au seuil de la mort; ma vie s'achève avant que je ne puisse jouir de mon talent… Je dois donc terminer mon chant funèbre. »
Il existe une explication simple au mystère de la commande du Requiem. Le messager secret venait de la part du Comte Franz von Walsegg, un musicien amateur qui planifiait, selon ses habitudes, de faire passer le Requiem pour une de ses propres œuvres. Après la mort de Mozart, le Comte confessa son stratagème.
Dans la nuit du 4 décembre, il se démenait pour chanter les partitions du Requiem avec quelques amis réunis autour de son lit. Constanze était là avec Franz Sussmayr, un élève de Mozart, qui promit au mourant qu’il terminerait le Requiem. (Sussmayr a fait ce qu’il a promis, et de belle façon.) Un médecin vint et appliqua des cataplasmes froids sur la tête fiévreuse de Mozart; ceci précipita un coma.
Lorsqu’on vint le visiter après minuit, il était mort.
Contrairement à la légende, plusieurs personnes assistèrent à ses funérailles. Les cérémonies et l’enterrement se sont déroulés selon les décrets stricts de l’empereur Joseph qui voulait mettre fin aux pratiques insalubres d’enterrement à l’intérieur des murs de la ville.
Les funérailles ont donc eu lieu dans la ville, à la cathédrale Saint-Étienne, et plus tard, en soirée, le corps a été transporté hors des murs pour l’enterrement, le lendemain, dans une fosse commune.
Ce délai, requis afin de s’assurer que le corps était réellement mort, faisait que peu de personnes accompagnaient le corps jusqu’à la fosse commune, qui était toujours anonyme.
Mozart n’est pas mort en homme pauvre et oublié. Un service commémoratif eut lieu à Vienne attirant plusieurs milliers de personnes venues entendre une messe de Requiem dirigée
par Antonio Salieri, lui-même !